
Cherchez l’erreur : pour les ultra riches, quand les revenus augmentent, le taux d’imposition baisse !
Le taux réel d’imposition des revenus et du patrimoine des ultrariches fait débat depuis que Gabriel Zucman a proposé d’instaurer un impôt plancher visant à leur faire payer, sinon leur juste part, du moins un impôt minimum. Dans la période, il est donc utile de montrer d’une part, en quoi l’impôt sur le revenu, censé est un impôt progressif, est en réalité au-delà d’un niveau élevé de revenu dégressif et, d’autre part, que l’imposition minimale de 20 % instaurée par la loi de finances 2025 (la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) comporte encore d’importants « trous dans la raquette ».
L’impôt sur le revenu est dégressif de (trop) longue date
Depuis plusieurs années, l’association Attac étudie le niveau réel de l’imposition des revenus des foyers fiscaux, notamment ceux appartenant aux « ultrariches ». Nos calculs ne prennent en compte que le revenu déclaré et imposable au sens de la législation actuelle, sans intégrer les revenus des actifs financiers des holdings. Nous avons démontré que la proportion de l’impôt payé par les contribuables les plus riches ramené à leur revenu fiscal de référence [1] (RFR) n’était pas progressive et qu’au-delà d’un certain niveau, elle était dégressive. Plusieurs raisons expliquent cette dégressivité : l’existence du prélèvement forfaitaire unique (PFU, la flat-tax à 30 %, contribution sociale généralisée comprise), qui abaisse le taux d’imposition des revenus financiers des plus riches, ou encore l’empilement de « niches fiscales ».
La dégressivité de l’impôt sur le revenu des plus riches est une constante. En 2023, le taux réel moyen d’imposition des revenus s’accroissait régulièrement pour atteindre 21,75 % pour les foyers dont le revenu fiscal de référence était compris entre 800 000 et 900 000 euros.
Mais au-delà, il est sensiblement plus faible.
– il n’atteint que 17,9 % pour les foyers dont le RFR se situe entre 6 et 7 millions d’euros
– et remonte très légèrement à 18,01 % pour les foyers dont le RFR se situe au-delà de 9 millions d’euros.
Le taux moyen réel ne dépasse donc jamais les 20 % pour les foyers dont le RFR est supérieur à 3 millions d’euros, soit pour les 2 236 foyers fiscaux les plus riches qui ont déclaré 20,793 millions d’euros de revenus et payé 3,857 millions d’euros d’impôt sur le revenu (ce qui représente un taux moyen de 18,55 %)…
Or, déjà bien plus faibles que ce que le barème de l’impôt sur le revenu pourrait laisser penser, ces taux ont encore baissé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. En effet en 2017, le taux moyen d’imposition se situait entre 22 et 25 % pour les foyers dont le RFR se situait entre 900 000 et 9 millions d’euros. Et, pour les foyers dont le RFR se situait au-delà de 9 millions d’euros le taux moyen réel était de 20,94 %, (soit 2,93 points au-dessus du taux de 2023).
Quelles que soient l’assiette et la méthode retenues dans les différents travaux, l’enseignement reste le mème : contrairement à son objectif initial, l’impôt sur le revenu est dégressif au-delà d’un certain niveau de revenu. C’est ce qui justifie la demande d’une véritable justice fiscale passant, notamment et entre autres, par le renforcement de la progressivité fiscale, une revue des niches fiscales et l’imposition de tous les revenus au barème progressif (celui-ci pouvant également être revu), y compris les revenus financiers grâce à la suppression du PFU,
Le taux minimal de 20 % instauré en 2025 est contournable
La loi de finances 2025 a instauré un taux minimal de 20 % pour les foyers dont le RFR pour l’année 2025 supérieur à 250 000 € pour une personne seule et 500 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune. Seulement voilà, ce dispositif ( la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ) a pu être contourné, de sorte qu’il ne puisse atteindre son objectif.
Certains revenus sont en effet exclus du RFR servant à la détermination du seuil minima d’imposition de 20 %. En clair, ceci signifie que la base sur laquelle le taux minimal de 20 % s’applique est plus étroite que le total des revenus réels des personnes qui perçoivent ces revenus exclus qui en sont exclus
Il en va ainsi de l’abattement fixe de 500 000 euros sur les gains de cession de titres par les dirigeants prenant leur retraite, de celui de 40 % sur les revenus distribués en cas d’option pour le barème progressif et de celui de 50 % applicable aux gains d’acquisition d’actions gratuites en deçà de 300 000 euros. Certains revenus exonérés en vertu d’une convention fiscale bilatérale, tout comme ceux bénéficiant d’exonération d’au titre du régime des impatriés (qui prévoit l’exonération d’une partie du revenu - la prime d’impatriation- pour certains dirigeants venant s’installer en France) sont également exclus du RFR. Enfin, certains revenus, qualifiés d’exceptionnels, ne sont retenus dans le RFR qu’à hauteur de 25 %.
Enfin, les revenus logés dans les holdings patrimoniales échappent à l’impôt sur le revenu. C’est un des mérites de la proposition de Gabriel Zucman d’imposer un « patrimoine économique », assez abusivement baptisé de « bien professionnel ». Cette notion fait en effet davantage référence à des biens de production alors que la taxe Zucman vise à s’appliquer à des actifs financiers détenus dans des structures de type « holdings familiales patrimoniales ».
Les opposants à cet impôt plancher arguent qu’on ne peut intégrer les actifs logés au sein des holdings dans une quelconque base imposable. Ils avancent que l’impôt sur le revenu est très concentré sur les plus riches et que ceux-ci sont déjà lourdement imposés. Les chiffres prouvent le contraire.