Aux États-Unis, on débat sur la taxation des « riches »…

, par Équipe de l’Observatoire

On débat d’un relèvement de l’imposition des plus riches au pays de l’Oncle Sam… Certes, nous n’en sommes pas à une révolution fiscale. Et certes, les discussions sont compliquées et risquent bien de déboucher in fine sur des mesures d’une portée moins importante que prévu initialement. Mais, si personne ne peut faire le procès à l’association Attac de faire des États-Unis « son modèle », cette information mérite néanmoins d’être connue. Et ce d’autant plus que, en France, Emmanuel Macron et son gouvernement balaient la simple hypothèse d’avoir ce débat, en dépit du bilan calamiteux des mesures emblématiques de son quinquennat (la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, des mesures sur lesquelles https://france.attac.org/se-mobilis.... Un bilan qui se résume en peu de mots : coûteux, inefficace et injuste.

Vers une contribution des supers-riches ?

Aux États-Unis, les démocrates envisagent donc de prendre une mesure fiscale qui devrait faire contribuer environ 700 milliardaires. Issue d’un compromis au sein des démocrates, elle concernerait les personnes détenant plus d’un milliard de dollars d’actifs ou dégageant plus de 100 millions de dollars de revenus sur trois ans. Quoique de portée limitée si l’on considère le faible nombre de contribuables concernés, ce projet s’inscrit dans une approche visant à relever les taux d’imposition des revenus et des sociétés. Celle-ci devrait finalement épargner la très grande majorité des 1 % les plus riches (environ 0,0002 % les plus riches seraient concernés). Un rendement de centaines de milliards de dollars est espéré.

Compte tenu de la concentration des richesses, la base n’est en effet pas mince : elle équivaut à 3 % de la capitalisation boursière des États-Unis. Les actifs des 400 Américains les plus riches représenteraient 18 % du produit intérieur brut, soit le double qu’en 2010. Selon le magazine Forbes, les milliardaires américains possédaient 4.260 milliards de dollars au 1er avril 2021 dont 2.500 non « réalisés. À simple titre d’exemple, un taux de 8 % sur ce montant rapporterait 200 milliards de dollars (ce taux est hypothétique). C’est sur cette part que s’appliquerait ce nouvel impôt.

Précisons à ce stade que, selon le site Propublica (spécialisé dans les enquêtes d’intérêt public), les 25 hommes les plus riches des États-Unis n’ont été imposés qu’à hauteur de 3,4 % entre 2014 et 2018… Et selon les chercheurs de l’IRS (l’administration fiscale américaine), les 1% d’Américains les plus riches ne déclarent pas le quart de leurs ressources : ils bénéficient de niches fiscales et élaborent des montages complexes.

Pas de big bang mais une évolution

Un accord avait été trouvé concernant l’impôt des revenus et sur la hausse du taux d’imposition des sociétés payé par les grandes entreprises conformément aux engagements de Joe Biden qui voulait épargner les Américains gagnant moins de 400.000 $ par an, un montant déjà élevé. Le taux d’imposition des Américains aux revenus les plus élevés passerait ainsi de 37 % à 39,6 % pour la tranche supérieure à 450.000 dollars annuels par foyer et le taux d’impôt sur les sociétés sera relevé à 26,5 %.

Les discussions se sont donc poursuivies sur l’imposition du patrimoine. Partant du constat que les « super riches » ne sont imposés sur leur patrimoine que lors de la vente de leurs actifs, l’une des idées avancées est d’imposer le patrimoine sur l’augmentation de la valeur des actifs (les actions par exemple), que ceux-ci soient vendus ou non, les pertes pouvant en contre-partie être déduites de la base imposable. Une autre forme d’impôt sur la fortune en quelque sorte. Le débat interne a été particulièrement intense entre les partisans d’une hausse telle que prévue initialement, plus importante et touchant plus de « riches », et les opposants à une telle mesure. Mais le but demeure de contribuer au financement de nouvelles dépenses sociales (maternelles gratuites, meilleur accès à la santé, investissements dans les logements publics, congés familiaux payés par exemple).

On peut analyser ce débat et les mesures qui en découlent de deux manières.
1/ On peut légitimement considérer qu’elles sont insuffisantes et que les forces à l’œuvre pour les affaiblir restent très puissantes. En témoignent l’épisode du taux mondial minimal en matière d’impôt sur les sociétés, proposé à 21 % dans un premier temps par Joe Biden et ramené par la suite à 15 % et, dans le même temps, le relèvement du taux fédéral d’impôt sur les sociétés à 28 % a été ramené à 26,5 %. A l’évidence, ça n’est pas le big bang que certains espéraient aux États-Unis, un pays en outre plus inégalitaire que la France.
2/ On peut aussi remarquer avec intérêt que ce débat ait lieu aux États-Unis, le temple si l’on ose dire du néolibéralisme, avec un changement de ton intéressant : le slogan « tax the rich » y est largement repris. En France, il serait vilipendé et vu comme une provocation...

Mêmes modestes et ne changeant pas fondamentalement la donne, ces mesures ont le mérite de nourrir un débat sur l’indispensable rééquilibrage des systèmes fiscaux et sur leur contre-partie : l’utilité des dépenses publiques. Un débat indispensable, bien au-delà des États-Unis. À bon entendeur…