« Budget vert » : une tendance à la dégradation préoccupante
Depuis fin 2020, un rapport annexé à chaque projet de loi de finances tente d’évaluer l’impact environnemental des dépenses et des recettes du budget de l’État. L’ambition, louable dans son principe, est de coter les dépenses prévisionnelles du budget de l’État selon leur impact sur l’environnement et de mieux prendre en compte la dimension environnementale dans l’évolution des finances publiques.
Ce document a été discuté. Les résultats apparaissent en effet bien modestes. Comme le note la Cour des comptes dans un rapport intitulé « Observations définitives : la prise en compte de l’environnement dans le budget et les comptes de l’État » du 15 mai 2023 ; ce budget vert « ne cote que les crédits budgétaires, les taxes affectées et les dépenses fiscales, et non l’ensemble des dépenses du budget général de l’État et des ressources publiques, y compris les dépenses fiscales présentées dans le projet de loi de finances de l’année, ayant un impact favorable ou défavorable significatif sur l’environnement ».
Malgré d’évidentes limites, il est tout de même assez instructif de revenir sur les principaux enseignements des 4 premières livraisons de ce rapport.
Quelle méthode de classement ?
Le « budget vert » classe les dépenses publiques évaluées en plusieurs grandes catégories présentées de la manière suivante.
Les dépenses favorables, cette catégorie recouvrant trois types de dépenses :
– les dépenses ayant un objectif environnemental principal ou participant directement à la production d’un bien ou service environnemental (éco-activité) ;
– les dépenses sans objectif environnemental mais ayant un impact indirect avéré ;
– les dépenses favorables mais à l’impact controversé en présence notamment d’effets de court terme favorables pouvant présenter un risque de verrouillage technologique à long terme
À titre d’exemple, on retrouve dans ces dépenses les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (2,1 milliards d’euros en PLF 2024).
Les dépenses dites « mixtes », favorables à l’environnement sur au moins un axe mais qui ont des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes. On y classe les dépenses relatives aux nouvelles infrastructures de transport ferroviaire ou fluvial.
Les dépenses neutres : dépense sans effet significatif sur l’environnement ; information non disponible ou insuffisamment étayée pour déterminer un impact environnemental favorable ou défavorable. On retrouve dans cette catégorie les aides pour le logement (APL, 13,9 milliards d’euros en PLF 2024).
Les dépenses défavorables : la dépense constitue une atteinte directe à l’environnement ou incite à des comportements défavorables à celui-ci. On retrouve ici les mesures relatives aux taux réduits sur les carburants (3,5 milliards d’euros en PLF 2024) qui encouragent le transport routier
Quels résultats et quelles évolutions ?
En 2020, 41,8 milliards d’euros de dépenses ont été identifiées comme ayant un impact sur l’environnement et de 52,8 milliards d’euros en y ajoutant les dépenses fiscales (les niches fiscales), ce qui est peu par rapport aux 574,2 milliards d’euros de dépenses budgétaires et fiscales (9,19%).
Les dépenses dites « vertes », c’est-à-dire favorables à l’environnement sur au moins un axe environnemental sans être défavorables par ailleurs représentent 72,6 % de ces dépenses : elles atteignent 38,1 milliards d’euros en PLF pour 2021.
Les dépenses « mixtes » qui sont favorables à l’environnement sur un moins un axe mais qui ont des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes représentent 8,9 % de ces dépenses, soit 4,7 milliards d’euros. Enfin, 10,0 milliards d’euros de dépenses ont un impact défavorable sur au moins un axe environnemental sans avoir un impact favorable par ailleurs, ce qui recouvre principalement des dépenses fiscales (7,2 milliards d’euros)
En PLF 2024, parmi l’ensemble des dépenses budgétaires et fiscales du budget de l’État (569,7 milliards d’euros), 55,9 milliards d’euros (soit 9,81 % du total) ont été identifiés comme ayant un impact environnemental. Parmi elles, 39,7 milliards d’euros (soit 71%) sont considérées comme ayant un impact favorable à l’environnement, 3,1 milliards d’euros un impact mixte (soit 5,45%) et 13,1 milliards d’euros un impact défavorable soit 23,43%).
En d’autres termes, la situation s’est dégradée, tant en valeur qu’en proportion. Cela n’est hélas guère étonnant : les choix politiques de ces dernières années n’ont pas orienté l’action publique en fonction des priorités environnementales. Quant à la gouvernance budgétaire, elle reste tournée vers la « performance », synonyme de « faire plus avec moins » pour les services publics. Orienter les finances publiques vers la bifurcation sociale et écologique est cependant non seulement souhaitable mais aussi possible. C’est l’une des grandes priorités de la période. Attac et l’Observatoire de la justice fiscale répondront présents pour que, à l’occasion du prochain débat budgétaire, cet objectif soit publiquement rappelé.