Campagne électorale : gare aux inepties fiscales

, par Équipe de l’Observatoire

Si chaque campagne électorale comporte son lot de promesses et de formules en tout genre, en matière de démagogie et de déclarations choc façon « néolibéralisme décomplexé », celle qui se profile pourrait faire exploser les compteurs.

Parmi les derniers exemples en date figure la proposition d’Eric Ciotti (candidat à l’investiture du parti Les Républicains pour les élections présidentielles) de remplacer le barème progressif de l’impôt sur le revenu par une flat-tax (un impôt à taux proportionnel) au taux de 15 %. La justification avancée ? Il faudrait alléger l’impôt des plus aisés qui subissent « l’assommoir fiscal ». Mais, s’il y a quelque chose d’assommant, c’est pourtant bien cette proposition.

Eric Ciotti avance que 10 % des contribuables paient 70 % de l’impôt sur le revenu et trouve cette situation anormale. Il y a des raisons à cela. À commencer par les inégalités de revenus qui expliquent à elles seules pourquoi les personnes aisées et riches paient une bonne part de l’impôt sur le revenu puisque celui-ci est progressif. Il existe d’autres explications. Plus de la moitié des foyers fiscaux n’ont pas de revenus suffisamment élevés pour être imposables. Par conséquent, seulement 45 % des foyers fiscaux environ sont imposables. Parmi eux figurent donc les « riches », même si ceux-ci ont largement bénéficié des mesures du quinquennat avec, par exemple, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) en 2018, un impôt au taux proportionnel sur les revenus financiers et les plus-values financières.

Il faut rappeler le bilan de l’actuelle « flat-tax » sur les revenus financiers, le PFU. Comme la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) également instaurée en 2018, le PFU a eu un effet : procurer une économie d’impôt importante aux plus riches et donc, accroître leur revenu disponible. Mais d’effet sur l’investissement et l’emploi, personne n’en a trouvé(voir nos articles sur le bilan redistributif du quinquennat). Rappelons ici les données très parlantes du 3ème rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France stratégie (paru en octobre 2021) : le PFU et la transformation de l’ISF en IFI ont favorisé une forte progression du versement des dividendes et des plus-values. Une progression qui a bénéficié aux plus riches : en 2019, 62 % des dividendes ont été reçus par 39.000 foyers fiscaux dont la moitié (31%) par 0,1 % des foyers quand 3.900 foyers bénéficiaient de 76 % des plus-values. Tout cela sans effet notable sur l’investissement et les salaires…

L’affaire ne s‘arrête pas là. Dans ses déclarations, Eric Ciotti s’assoit allègrement sur la contribution sociale généralisée (CSG), payée par la quasi-totalité des ménages au taux proportionnel de 9,2 % par exemple pour les revenus d’activité et ce, quel que soit le niveau de salaire. Il oublie par ailleurs allègrement la TVA, payée par tout le monde tous les jours, et dont le poids est plus lourd dans le budget des ménages pauvres et des classes moyennes que dans celui des plus riches. Il oublie également les autres impôts sur la consommation, comme la fameuse taxe intérieur de consommation sur les produits énergétiques. Des oublis coupables…

Il y a pire. Si une mesure aussi inique qu’une flat-tax de 15 % était mise en place, elle pénaliserait la quasi-totalité des foyers fiscaux. En effet, le taux réel d’impôt sur le revenu n’atteint 15 % que pour une petite minorité de foyers fiscaux. Il est ainsi inférieur à 10 % pour les foyers dont le revenu est compris entre 50.000 et 100.000 euros et s’élevait à 19,29 % pour ceux dont le revenu est supérieur à 100.000 euros. Pour l’immense majorité, une flat-tax à 15 % serait donc très lourde à supporter. Pour les riches, ce serait une baisse inégalée, synonyme d’explosion des inégalités. Une véritable redistribution à l’envers en somme, à l’opposé des objectifs de la politique fiscale au rang desquels la réduction des inégalités. Celle-ci doit s’appuyer sur un renforcement des impôts progressifs. C’est ce que portera Attac sans relâche dans le débat public.