Fraude fiscale : Combien de « McDo » ?
McDonald’s devrait donc payer 1,2 milliard d’euros. Plus qu’une nouvelle convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour fraude fiscale homologuée ce jour, il s’agit en réalité d’une nouvelle affaire montrant l’ampleur de la fraude fiscale internationale et qui constitue une alerte.
Comme McKinsey et tant d’autres, McDo a donc organisé un système consistant à manipuler les prix de transfert pour faire remonter au Luxembourg les bénéfices pourtant bel et bien générés par l’activité des restaurants franchisés McDo établis en France. Le principe était le suivant : que ces franchisés paient 25 % de leur chiffre d’affaires, un montant énorme, à la maison mère (McDo France), qui faisait remonter ces montants à la maison mère européenne établie au Luxembourg via les Pays-Bas. Les montants payés correspondent au paiement de redevances pour la marque et la publicité ainsi qu’aux loyers.
S’il faut se féliciter que les pratiques de McDo soient ainsi mises en cause, on peut cependant légitimement s’interroger sur le montant réel qui aura été frauduleusement transféré. On peut également se questionner sur la négociation qui aura présidé à cette 10ème CJIP pour fraude fiscale, qui permet aux groupes d’éviter un procès et, potentiellement, d’autres sanctions.
Ce système d’évasion fiscale a plusieurs conséquences lourdes : l’État perd des sommes qui seraient utiles pour financer les services publics, le bénéfice du groupe McDo est artificiellement gonflé, les salariés se voient refuser des hausses de salaires et sont écartés de l’intéressement, les franchisés ne faisaient pas de bénéfices voire étaient en déficit, etc.
De manière générale, et en principe, les prix de transfert, soit les prix de ventes de biens et de services internes à un groupe, doivent être calculés et facturés de la même manière que les prix facturés entre sociétés indépendantes, soit aux conditions normales du marché. C’est ce que l’on nomme le principe de pleine concurrence. Celui-ci est utilisé dans la planification financière et fiscale des grands groupes pour abaisser au maximum leur impôt et valoriser leurs profits. A tel point que le rapport de l’observatoire mondial des inégalités estime que 40 % des bénéfices des multinationales françaises sont logés artificiellement dans les paradis fiscaux, avec des pertes fiscales substantielles pour l’État à la clef. Le phénomène n’est pas en recul, loin s’en faut. Le développement des actifs immatériels (qui représentaient 15 % des actifs des entreprises en 1975 contre 84 % en 2019) est un élément qui montre que la valorisation de ces actifs est parfois nourrie frauduleusement.
Les enjeux sont immenses. Les prix de transfert représentent la moitié du commerce mondial (environ 25.000 milliards de dollars en 2019). Il suffit qu’une petit minorité de ces prix de transfert soient manipulés pour générer une fraude fiscale colossale. Or, la manipulation des prix de transfert est une pratique répandue au sein des groupes. Une « taxation unitaire » permettrait de contrecarrer l’évitement de l’impôt : elle permettrait, en consolidant les bénéfices mondial d’un groupe, de répartir les droits à imposer des États où le groupe a une réelle activité économique grâce à des critères objectifs (chiffre d’affaires réalisé, nombre d’employés, immobilisations notamment).
Pour Attac, il faut éviter que le gouvernement, qui n’a cessé d’affaiblir les services chargés de la lutte contre la fraude (voir le rapport du 30 mars 2022 : « Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales : Ne pas se tromper de cible »), n’utilise cette affaire pour en faire un exemple sans en tirer les conséquences.
Deux priorités s’imposent désormais :
• renforcer les services de contrôle (les services de contrôle fiscal ont perdu 4000 emplois en une quinzaine d’années, ce qui se traduit par une baisse du nombre de contrôle alors que le nombre d’entreprises augmente),
• mettre en œuvre au plan international une « taxation unitaire » accompagnée d’un véritable renforcement de la coopération pour combattre l’évasion fiscale.