
Hausse de la pauvreté, hausse du patrimoine et du niveau de vie des plus riches : bilan d’un ruissellement à l’envers
Dans tous les discours de tous les gouvernements, les mesures prises sont censées favoriser « la croissance et l’emploi » pour reprendre une formule usée jusqu’à la corde. Mais les résultats sont souvent éloignés de ces objectifs. Deux récentes publications de l’INSEE sur le patrimoine et le niveau de vie des ménages* livrent un éclairage édifiant sur le bilan des politiques mises en œuvre au cours des dernières années.
Depuis 2017, Emmanuel Macron assurait ainsi que ses mesures (baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts locaux des entreprises, création du prélèvement forfaitaire unique, transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière) allaient permettre à leurs bénéficiaires (soit les plus riches et les entreprises, notamment les plus grandes) d’investir, de créer des emplois et, in fine, d’améliorer la situation de l’ensemble de la population. C’est la fameuse théorie du ruissellement.
Attac a déjà montré que cette théorie ne fonctionne pas [1]. De la même manière, plusieurs travaux ont montré que ces mesures n’avaient pas relancé l’activité économique [2]. Or, l’INSEE vient de le confirmer : le ruissellement a existé, mais vers le haut.
L’institut statistique montre en effet que le niveau de vie des ménages les plus modestes a baissé en 2023, tout comme celui du second et du troisième décile. En clair, les 30 % de la population les plus pauvres ont subi une baisse de leur niveau de vie en 2023.
En revanche, en 2023, le niveau de vie des ménages les plus aisés a nettement augmenté, tout comme celui du neuvième décile et, dans une moindre mesure, du huitième décile. En clair, les 30 % les plus aisés ont connu une hausse de leur niveau de vie, cette hausse étant plus marquée chez les plus aisés. L’INSEE précise que « la majeure partie de cette hausse est due à l’augmentation des revenus financiers impulsée par la hausse des taux d’intérêt et à l’augmentation des revenus d’investissement, notamment des placements et assurance-vie ». On notera au passage que la hausse des revenus financiers, moins imposés que les revenus du travail ou les pensions de retraite, intervient sur fond de distributions record de dividendes.
L’INSEE précise par ailleurs que, « En 2023, les indicateurs d’inégalités sont en hausse après s’être stabilisés en 2022 à un niveau relativement élevé au regard des dernières années. La baisse du niveau de vie des plus modestes, concomitante à la hausse de celui des plus aisés, conduit les indicateurs d’inégalités à atteindre des niveaux parmi les plus élevés depuis 30 ans ».
Les indicateurs d’inégalités sont élevés non seulement du fait de la hausse du niveau de vie des plus aisés, mais aussi du fait du niveau record de la pauvreté monétaire qui s’établit en 2023 à 15,4 % en France métropolitaine. L’INSEE précise que cet indicateur « est au plus haut depuis 1996, date de début de la série ».
Les politiques fiscales menées depuis 2017 n’ont donc pas seulement été coûteuses (elles ont alimenté la dette publique de 308 milliards d’euros entre 2018 et 2023) et inefficaces, elles se sont traduites par une hausse des inégalités sur fond de hausse de la pauvreté. Dire cela n’est pas une opinion ou une projection, c’est un fait établi. Dans ce contexte, un autre budget est réellement vital.
*INSEE, « Les revenus et le patrimoine des ménages », édition 2024, octobre 2024 et INSEE première, « Niveau de vie et pauvreté en 2023 : taux de pauvreté et inégalités s’accroissent fortement », juillet 2025.