Le déni du Figaro sur la lutte contre la fraude fiscale

, par Équipe de l’Observatoire

Dans un article du Figaro du 31 août 2021 consacré au rapport annuel de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), le quotidien Le Figaro estime, en le déplorant, que « La pandémie n’a pas réfréné les ardeurs des contrôleurs du fisc ».

Le Figaro est impayable. Outre qu’il stigmatise les personnels à tort alors qu’ils appliquent la loi dans un État de droit, le quotidien rappelle que le montant de l’impôt éludé et des pénalités qui les assortissent réclamé par le fisc s’est élevé à 8,2 milliards d’euros. Un montant manifestement trop élevé pour lui… Mais il oublie de préciser que ce chiffre est en baisse constante depuis plusieurs années du fait, notamment, des suppressions d’emplois dans les services de contrôle fiscal (entre 3000 et 4000 depuis le milieu des années 2000). Or si, entre 2019 et 2020, la baisse des redressements mis en recouvrement a été de 3,5 milliards d’euros, la pandémie n’a pas fait disparaître la fraude fiscale pour autant.

Le Figaro aurait pu mentionner d’autres statistiques intéressantes. Ainsi, la DGFiP a demandé le recouvrement de 8,246 milliards d’euros suite aux redressements qu’elle a effectués sur les 10,2 milliards d’euros de redressements qu’elle a notifiés en 2020 (ils ne sont pas intégralement mis en recouvrement du fait par exemple de recours : procédures contentieuses notamment). Au final, elle en a récupéré 7,8 milliards. Preuve, malgré la crise, d’une part que le contrôle fiscal identifie des sommes significatives et d’autre part que certains sont en capacité de payer leurs dettes fiscales.

Le Figaro omet également de préciser que le même rapport montre que les actions diverses de recouvrement engagées contre les contribuables (particuliers ou entreprises) qui n’ont pas payé leur impôt en temps et en heure a chuté en 2020 : le nombre de relances est passé de 12,7 millions en 2019 à 8,9 millions en 2020 et le nombre de saisies administratives est passé de 6,8 millions en 2019 à 4,5 millions en 2020. Si l’on comprend bien les raisons de cette baisse, rappelons toutefois que les dettes nées avant la crise ne se sont pas effacées par magie depuis son déclenchement.

Une autre donnée n’a pas été valorisée par le Figaro : les services de la DGFiP ont versé 11,8 milliards d’euros à 1,9 million d’entreprises du fait des aides (fonds de solidarité par exemple) mises en place par le gouvernement. Preuve que les aides dépassent de loin les redressements…

Au-delà, le journal aurait pu poursuivre le travail comparatif comme Attac l’a fait dans sa note du 23 novembre dernier, laquelle montre une chute tendancielle des résultats globaux du contrôle fiscal doublée d’une priorité donnée au recouvrement rapide sur fond de « négociation ». Concrètement, il s’agit de prioriser les transactions, les accords d’ensemble (qui consistent à faciliter un accord entre une entreprise vérifiée et la DGFiP pour se mettre d’accord sur la somme due et éviter des procédures contentieuses) et les procédures acceptées par le contribuable (régularisation en cours de contrôle, etc). Tout cela, au risque de faire de la négociation une pratique qui supplante le contrôle tel qu’il est pensé, c’est-à-dire la contrepartie du système déclaratif.

Chute des résultats du contrôle, priorité à la recherche d’un accord, baisse des poursuites pour retard de paiement, versement rapide des aides, tout cela malgré des suppressions d’emplois et alors que la fraude ne s’est pas tarie, une fois de plus, le Figaro veut jeter l’opprobre sur la lutte contre la fraude et sur les agent·es des finances publiques. Une fois de plus, à tort. Ne lui en déplaise, intensifier la lutte contre la fraude fiscale est d’autant plus urgent qu’au-delà de l’absolue nécessité de rétablir davantage de justice fiscale et de faire payer l’impôt du, il faut aussi dégager des recettes pour financer les politiques publiques. Plus largement, les besoins en matière de service public fiscal, financier et foncier n’ont pas disparu avec la crise. Bien au contraire…