Macron : 5 ans de plus d’injustices fiscales et sociales ?
La réélection d’Emmanuel Macron est désormais actée. Face à une autre « candidate des inégalités » issue de l’extrême droite au projet aussi néolibéral à laquelle s’ajoutait une vision nationaliste, xénophobe et intolérante, Emmanuel Macron doit sa réélection davantage au refus de voir Marine Le Pen accéder au pouvoir qu’à une adhésion de la population à son projet.
Injustice fiscale et sociale toujours au programme
L’ Observatoire de la justice fiscale l’a rappelé à de multiples reprises ces derniers mois. Emmanuel Macron ne veut pas revenir sur les mesures contestées, injustes et inefficaces de son premier quinquennat et entend poursuivre son travail de sape du « modèle social ».
Rappelons quelles sont ses propositions.
En matière de droits de donation et de succession, il a proposé de relever l’abattement de 100.000 à 150.000 euros, applicable tous les 15 ans. Une telle mesure serait massivement utilisée par les personnes qui ont un patrimoine consistant à donner, soit les plus riches, lesquels pourraient ainsi optimiser davantage leur stratégie patrimoniale en matière de transmission. En effet, avec l’abattement actuel, une famille de 2 parents et 2 enfants peut déjà transmettre 400.000 euros de patrimoine aux enfants tous les 15 ans, un relèvement à 150.000 euros leur permettrait de transmettre 600.000 euros en franchise d’impôt, tous les 15 ans. Une telle mesure n’est absolument pas tournée vers la « transmission populaire » comme l’a déclaré Emmanuel Macron. En France, le patrimoine net médian s’élève en effet à 117.000 euros.
Emmanuel Macron veut également poursuivre la baisse des « impôts de production » pour 7 milliards d’euros en supprimant la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Les petites entreprises ne payant pas cet impôt, elles n’en bénéficieront pas. Une baisse de ces impôts inquiète légitimement les collectivités locales puisqu’elles les percevaient. Elles verront donc leurs finances dépendre étroitement de l’État, alors que celui-ci veut les contraindre à baisser leurs dépenses, ce qui pèsera lourdement sur les services publics locaux.
Emmanuel Macron a par ailleurs proposé de faire travailler 15 à 20 heures pas semaine les bénéficiaires du RSA. Cette mesure s’apparente à du travail forcé et exercerait une concurrence déloyale sur les salarié.es, notamment les plus fragiles, dont de nombreuses femmes.
Faire battre Macron en retraite
Emmanuel Macron propose de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. S’il a louvoyé entre les deux tours en arguant qu’une telle réforme se mettrait en place progressivement, il n’a pas changé d’objectif.
Cette mesure creuserait les inégalités de revenus, au détriment des plus de 55 ans (dont le taux d’emploi n’est que de 55 %), qui connaîtraient une période de chômage plus longue avant de percevoir leur pension de retraite. Ceci se traduira par une hausse de la précarité.
Cette mesure creuserait les inégalités sociales puisque les plus aisés ont une espérance de vie supérieure aux plus pauvres.
Elle pénaliserait particulièrement les femmes puisque, la retraite prolonge et amplifie les inégalités professionnelles. Or, les femmes sont déjà majoritaires dans les contrats précaires, elles sont davantage touchées par le temps partiel, leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes et leur pension est plus souvent rehaussée par un dispositif de minimum de pension (45 % des femmes retraitées sont concernées contre 14 % des hommes). Au final 37 % des femmes retraitées et 15 % des hommes touchent moins de 1000 € de pension brute.
Emmanuel Macron entend mettre en œuvre cette réforme sans retoucher à la décote, qui constitue déjà une double peine et dont les effets seraient ainsi plus pénalisants.
Or, selon une note du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) dont le contenu a été dévoilé tout récemment, les dépenses de retraite vont progressivement baisser pour atteindre 11 % du PIB en 2035, soit l’un des plus bas niveaux en Europe, des excédents seraient dégagés en 2070 car les générations nombreuses du baby-boom vont disparaître. Cette note confirme ce que mentionnait le rapport du COR de juin 2021 selon lequel « Le fait que les dépenses de retraite soient à législation constante amenées à décroître à terme en pourcentage du PIB, et donc maîtrisées, est un constat ». Et pour Pierre-Louis Bras, président du COR : « mieux vaut regarder l’évolution des dépenses de retraite dans le PIB, qui a vraiment du sens, et qui va se stabiliser car les pensions relativement aux salaires vont baisser ». Contrairement à ce qu’affirme Emmanuel Macron, il n’y a donc aucune nécessité de réformer le système des retraites. Le masque tombe : vouloir faire travailler davantage les actifs et rendre beaucoup plus difficile la possibilité d’avoir une retraite à taux plein relève de la pure idéologie. Celle qui refuse le progrès social mais qui verrait d’un bon œil la montée en puissance des systèmes complémentaires privés...
D’un « modèle social » à un « modèle anti-social »
Emmanuel Macron veut donc poursuivre ses basses œuvres tout en préparant une réduction des déficits et de la dette publics à marche forcée. Autrement dit, il s’agit selon lui de payer l’intégralité de la dette publique via un système fiscal injuste qui mettra par conséquent davantage à contribution les pauvres et les classes moyennes ainsi que les PME que les riches et les grands groupes. Une telle austérité pèsera sur le revenu disponible et le pouvoir d’achat, sur les services publics et la protection sociale, qui seront durement impactés par l’austérité à venir. Car son orientation consiste, « en même temps », à tout faire pour ne pas rehausser la part des salaires dans la richesse nationale, soit dans la « valeur ajoutée ». Les populations les plus durement touchées seront les pauvres, les précaires, les chômeurs (déjà touchés par la réforme de l’indemnisation du chômage), les classes moyennes, les très petites entreprises et les PME. Soit l’immense majorité de la population.
Durant sa campagne, Emmanuel Macron n’a évoqué à aucun moment l’évasion et la fraude fiscales (80 à 100 milliards d’euros) si ce n’est pour envoyer le Ministre de l’économie, des finances et de la relance déclarer que l’imposition des multinationales avait été une avancée majeure dans laquelle la France avait joué un rôle important. C’est oublier que le même ministre se contentait d’un taux à 12,5 % (avant qu’il ne soit finalement porté à 15%) et que l’administration fiscale a subi d’importantes suppressions d’emplois qui se traduisent par une baisse du nombre de contrôles fiscaux et par une baisse de leurs résultats financiers comme le rapport « Attac-Union syndicale Solidaires » l’a démontré.
Emmanuel Macron a fait de la formule « Plus heureux et plus forts tous ensemble » son slogan de campagne. Il faut dire qu’il a affirmé que son projet de réforme des retraites était une mesure de « justice ». La novlangue néolibérale doit être analysée à l’inverse...
Face à l’urgence de la situation, il faut désormais montrer en quoi un changement catégorique d’orientation est légitime et nécessaire. La boussole est la suivante : la « justice fiscale, sociale et écologique ». L’élection présidentielle n’a apporté aucune réponse en la matière, bien au contraire. Le débat public se poursuit, et le nécessaire combat qui l’accompagne également.