Que faire de la TVA ?

, par Équipe de l’Observatoire

Le Conseil des prélèvements obligatoires, rattaché à la Cour des comptes, vient de publier le 9 février dernier un rapport à la TVA intitulé « La TVA, une taxe à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques » ainsi qu’une série de travaux annexés. Il déplore les transferts d’une partie des recettes de la TVA à la Sécurité sociale et aux collectivités locales et préconise de recentrer la TVA sur son objectif premier : le financement des services publics. Pour comprendre les enjeux, il importe de revenir sur la façon dont les récents gouvernements ont utilisé la TVA (1) avant d’analyser les propositions livrées au débat public (2).

1/ La TVA, outil de compensation de baisses de cotisations et d’impôt

La TVA est de loin le premier impôt français. Mais, l’État n’en perçoit que 100 milliards d’euros environ (102,1 milliards d’euros en 2022, 97,4 milliards d’euros en 2023) sur un rendement net total de 186,7 milliards d’euros en 2021 et de 204,6 milliards d’euros en 2022.

En effet, au cours des dernières années, la part du produit de la TVA transférée aux collectivités locales et à la Sécurité sociale n’a cessé de croître. En 2022, 14 milliards d’euros étaient affectés aux régions et 23 milliards d’euros pour les départements et les intercommunalités. En 2023, la TVA affectée aux collectivités devrait atteindre 53 milliards d’euros. Quant à la TVA affectée à la sécurité sociale, elle s’élève à plus de 50 milliards d’euros, elle a d’ailleurs été quadruplée en 2019, en passant de 6 % des recettes totales de TVA en 2018 à 24 % en 2019 Elle est destinée à la branche maladie dont elle représente plus de 21 % des ressources.

Le gouvernement a ainsi utilisé la TVA pour compenser le manque à gagner provoqué par ses propres mesures. Pour les collectivités locales, il en va ainsi de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, de la baisse des impôts dits « de production » et de la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. S’agissant de la Sécurité sociale, il s’agit notamment de compenser le coût des allègements de toutes sortes (les « niches sociales ») qui s’élève à près de 90 milliards d’euros.

En d’autres termes, le consommateur paie les baisses d’impôt accordés principalement aux entreprises. Il est même devenu le principal (presque l’unique) contributeur aux finances de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale. Et ce, malgré des superprofits que le gouvernement refuse d’imposer au-delà du strict minimum européen.

2/ Que faire ?

Il est très instructif de voir le Conseil des prélèvements obligatoires déplorer cette situation et préconiser un recentrage de la TVA sur son objectif initial : dégager des ressources pour les services publics. Si l’on ne partagera pas la critique des taux réduits de TVA, hormis le fait que l’évaluation de certaines mesures (dans la restauration par exemple) doit effectivement être renforcée, on relèvera que le rapport insiste sur l’importance de la fraude à la TVA, évaluée par l’Insee entre 20 et 26 milliards d’euros.

Les travaux annexés au rapport confirment par ailleurs le caractère régressif de la TVA. Sa part dans le revenu disponible des ménages décroît avec le revenu : elle représentait 12,5 % du revenu disponible du premier décile de niveau de vie contre 4,7 % du dernier décile en 2014. Ce constat demeure valable. Certes l’action publique que finance la TVA permet par ailleurs de réduire les inégalités, mais cela aggrave l’injustice bien réelle du système de prélèvements.

L’objectif de recentrer la TVA sur le budget de l’État doit toutefois doit s’accompagner d’une réforme fiscale qui revaloriserait les impôts directs et ferait baisser le poids relatif des impôts indirects comme la TVA. D’autres mesures doivent également être prises pour permettre aux collectivités locales et à la Sécurité sociale de disposer de moyens financiers suffisants. Cela passe notamment par l’annulation de la suppression de la CVAE notamment, et par une «  revue des niches sociales » qui permettrait de dégager des recettes pour la Sécurité sociale. La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales doit évidemment être renforcée et demeurer une priorité constante des politiques publiques. Le projet de réforme des retraites du gouvernement montre qu’on est loin de telles orientations. Mais avec ce rapport, le débat est relancé.