Tax the rich : le débat qui monte
Peu avant l’ouverture du sommet du G 20 qui s’est tenu en Inde les 9 et 10 septembre, près de 300 millionnaires, économistes et représentants politiques issus de la quasi-totalité des pays du G 20 ont demandé dans une lettre ouverte aux chefs d’État du G 20 un accord international sur l’impôt sur la fortune. Une demande qui rejoint ce qu’Attac et de nombreuses organisations revendiquent.
Pour les signataires de la lettre, il faut "empêcher que l’extrême richesse continue d’affecter notre avenir collectif". Pour ce faire, ils ont demandé au G 20 une véritable coopération internationale pour d’une part, taxer les personnes les plus riches du monde et d’autre part, en finir avec la concurrence et l’évasion fiscales.
Les termes de la lettre sont particulièrement parlants, en témoignent les extraits suivants :
- "Notre ambition commune doit être d’avoir des systèmes nationaux et internationaux au service de tous, et pas seulement de ceux qui ont de l’argent et du pouvoir"
- "L’accumulation de richesses extrêmes par les très riches est un désastre économique, écologique, mais aussi pour les droits humains »
- "Le monde n’a jamais eu autant besoin que les plus riches contribuent. Pour la première fois depuis des décennies, l’extrême pauvreté augmente, et près de deux milliards de personnes vivent dans des pays où l’inflation a dépassé l’augmentation des salaires. De plus, le temps presse pour que les pays fassent les investissements verts nécessaires qui les mettraient en adéquation avec l’objectif de l’accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré".
Cet appel mondial ne saurait épargner la France qui, selon le discours dominant bien rodé, imposerait davantage les riches que les autres pays. Sans revenir sur le bilan des mesures prises par Emmanuel Macron en matière de politique fiscale (baisse des impôts des entreprises, baisse des impôts des plus riches, etc : voir notre publication « Macron : dépôt de bilan fiscal »), il est instructif de revenir sur le rapport intitulé « Repenser l’héritage » de 2021 du Conseil d’analyse économique (CAE). Celui-ci dressait un constat similaire aux signataires de la lettre au G 20 : "Après un reflux des inégalités de patrimoine et une forte mobilité économique et sociale durant la seconde moitié du XXe siècle, l’héritage redevient un facteur déterminant dans la constitution du patrimoine dans les pays industrialisés".
Pour le CAE en effet, en France "depuis une trentaine d’années", la société sans héritage de la seconde partie du XXe siècle "disparaît à grande vitesse". Alors que le patrimoine représentait 300% du revenu national en 1970, il en représente aujourd’hui 600%. La part de la fortune héritée représente désormais 60% du patrimoine total, contre 35% en moyenne il y a 50 ans. Enfin, la somme des transmissions représentait moins de 5% du revenu national en 1950 mais elles dépassent aujourd’hui les 15%. Globalement, la concentration du patrimoine a augmenté au cours des dernières années. Les 1% les plus fortunés représentent plus de 25% du patrimoine total dans la période récente contre 15% en 1985. Les 1% d’héritiers les mieux lotis d’une génération reçoivent ainsi 4,2 millions d’euros en moyenne tandis que les 0,1% reçoivent environ 13 millions d’euros. La conclusion du CAE est sans appel : "L’héritage moyen du top 0,1 % représente donc environ 180 fois l’héritage médian". Pour le CAE, la conclusion s’impose donc : "Pour être riche aujourd’hui (...), il est absolument fondamental d’avoir hérité". Le CAE pose donc la question de la fiscalité de la transmission du patrimoine par voie de donation et/ou de successions mais aussi, de fait, celle de l’imposition des plus riches. De ce point de vue, un impôt européen sur la fortune constituerait un premier pas positif.
Cette lettre au G 20 rejoint non seulement les positions d’Attac et de nombreuses autres organisations, mais aussi la démarche engagée par plusieurs député.es européen.nes et économistes : obliger la Commission européenne, grâce à une pétition, de formuler une proposition consistant à instaurer au sein de l’Union européenne un impôt sur la fortune.
Renforcer, pour ne pas dire rétablir, une véritable progressivité de l’impôt, combattre la concurrence et l’évasion fiscales, Attac ne pouvait pas ne pas encourager ces initiatives, en appelant plus globalement à une véritable bifurcation sociale et écologiques.