Vers un impôt improductif de fortune ?
L’Assemblée nationale a adopté vendredi soir, la transformation de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en « impôt sur la fortune improductive ». L’objectif de ce nouvel impôt est d’inciter les contribuables les plus aisés à orienter placer leur richesse dans « l’économie réelle ». Mais il s’agit d’un impôt symbolique qui permettra aux milliardaires de continuer à payer moins d’impôts que le reste de la population.
De l’IFI à l’IFI...
Rappelons avant tout que l’actuel IFI est venu remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui, bien qu’imparfait, imposait les biens immobiliers, mobiliers et financiers. Tel n’est pas le cas de l’IFI, qui concerne les personnes physiques détenant un patrimoine immobilier dont la valeur nette est supérieure à 1,3 million d’euros, précision étant apporté qu’un abattement de 30 % est appliqué sur la valeur de la résidence principale. Une fois la valeur brute du patrimoine immobilier déterminée, les dettes afférentes à ce patrimoine étaient déduites pour établir la valeur nette du patrimoine sur laquelle est appliqué un barème progressif allant de 0,5 % à 1,5 % (ce taux s’appliquant à la part des patrimoines immobiliers nets dont la valeur est supérieure à 10 millions d’euros).
Officiellement, « l’impôt sur la fortune improductive » élargit l’assiette de l’IFI, puisqu’il s’applique non seulement à l’immobilier, mais également aux biens matériels dits « de valeur » (or, bijoux, œuvres d’art, voitures de collection, yachts, avions privés, meubles précieux…), aux actifs numériques (notamment les cryptomonnaies) ainsi qu’à certains contrats d’assurance-vie lorsque les sommes ne sont pas investies dans des supports productifs (comme les fonds en euros notamment).
L’abattement de 30 % sur la résidence principale est pour sa part remplacé par un abattement de 1 million d’euros que le foyer pourra appliquer à sa résidence principale ou au bien immobilier de son choix (une résidence secondaire de valeur supérieure par exemple). Des exonérations sont également prévues : les logements loués à long terme, ou répondant à des critères environnementaux, seront exonérés. Enfin, si le seuil d’entrée dans cet impôt demeure fixé à 1,3 million d’euros, le barème progressif est remplacé par un taux unique, de 1 %.
Un impôt bricolé qui s’annonce inefficace
Le vote de cet impôt est intervenu après le rejet de la taxe Zucman et après le rejet d’une proposition visant à instaurer un impôt sur les très hauts patrimoines présenté comme une version « light » de la taxe Zucman. Autrement dit, après ces deux rejets successifs de mesures plus consistantes, signe d’une intransigeance brutale du camp des droites, ce nouvel impôt ne pouvait qu’être symbolique. Le principal objectif de cette mesure est purement politique : monter que « quelque chose » a été fait en matière de taxation des riches. Mais ce « quelque chose » rime avec « bien peu de choses ».
Cet impôt comporte en effet de nombreux travers.
        - Il s’annonce peu rentable : d’après l’évaluation de Bercy, le rendement de ce nouvel impôt serait de 500 millions d’euros de plus que le maigrelet  IFI (2,2 milliards d’euros de rendement en 2025).
        - Il allégera la facture de nombreux ultrariches dont une partie importante de leur patrimoine immobilier était imposé au taux marginal de 1,5 % et ne le sera plus qu’à 1%, et qui bénéficieront par ailleurs de l’abattement de 1 million d’euros. Si un abattement en montant est plus judicieux qu’un abattement en pourcentage, le montant de 1 million d’euros est toutefois très élevé. Au surplus, les contribuables choisiront le bien sur lequel il s’applique.
        - Il ne taxera pas les actions  : or, les milliardaires le sont parce qu’ils détiennent massivement des actions. Il s’agit donc un impôt qui épargnerait largement les milliardaires alors qu’il est démontré qu’ils paient moins d’impôts que le reste de la population.
        - Il sera contourné via des mécanismes d’optimisation : les biens qu’il est censé imposer seront, comme c’est souvent le cas, considérés comme des biens d’entreprise (donc exonérés) et/ou logés dans des sociétés écrans dont il sera très difficile de prouver l’identité des bénéficiaires effectifs.
        - Il sera difficile à contrôler, l’administration fiscale ayant perdu de nombreux emplois, alors qu’il lui faudra croiser les éléments déclarés avec les données des prix de marché, des évaluations d’assurance ou d’experts, des barèmes officiels pour les objets de collection.
Rien ne dit que cet impôt sera maintenu et appliqué. Les incertitudes sur l’avenir du projet de budget sont nombreuses. À ce jour, la seule certitude est que, s’il devait s’appliquer, cet impôt ne répondra pas aux enjeux de la période en matière de recettes publiques et de réduction des inégalités. 
Il ne s’agit là que d’un nouvel « impôt symbole ». Or, la fiscalité a besoin de beaucoup plus qu’un nouveau symbole.