Où en est-on de l’impôt sur les sociétés ?
Évitement fiscal, taux minimal de 15 % sur les multinationales, débats sur le « poids » de l’imposition des entreprises, etc : c’est peu de dire que l’impôt sur les sociétés (IS) défraie régulièrement la chronique. Si les informations sont plutôt nombreuses en la matière, peu en revanche dressent un portrait fidèle de cet impôt qui, avec les impôts sur le patrimoine des particuliers, est le plus sensible à la concurrence fiscale internationale, et par conséquent souvent le plus trituré par les pouvoirs publics. Le présent billet revient sur l’évolution du taux de l’IS et présente les principales données et règles relatives à l’IS.
En 2017, Emmanuel Macron a décidé de baisser le taux nominal de l’IS pour le porter progressivement de 33,3 % à 25 %, pour un coût global sur le quinquennat estimé à l’époque à 11 milliards d’euros (rappelons que que le taux de l’IS était de 50% jusqu’en 1985 pour être abaissé à 33,3 % en 1986). Si l’IS était alors souvent présenté comme l’un des plus élevés au monde, aujourd’hui encore, on peut entendre ici et là qu’en dépit de cette baisse, le taux de l’IS reste dans la moyenne haute des taux nominaux de l’IS en vigueur dans de nombreux autres pays. Or, comparer les taux n’enseigne pas grand-chose si on n’analyse pas ce à quoi il s’applique et si on ne prend en compte ni les « niches fiscales », ni les sommes qui échappent à l’IS du fait de l’évitement fiscal.
L’IS français s’applique en effet à une base étroite : le bénéfice fiscal (qui découle du bénéfice comptable et de quelques retraitements ultérieurs) admet en déduction de nombreuses écritures comptables telles que les amortissements ou les provisions. Dans d’autres pays, comme l’Allemagne par exemple, ces déductions sont moins nombreuses. Lorsque le taux de l’IS s’applique à la base, celle-ci est déjà réduite du fait de ces déductions. Une fois le taux appliqué, un « IS brut » est déterminé. Pour calculer l’IS net réellement dû par la société, on déduit certaines « niches fiscales », comme le fameux crédit d’impôt recherche par exemple. Signalons en outre que certains régimes de groupes se montrent particulièrement avantageux également et permettent de réduire le taux d’IS réel au stade du groupe. Tout ceci concourt à expliquer pourquoi le poids de l’IS français (un indicateur intéressant sur le « poids de l’IS » dans l’économie) rapporté au PIB est peu élevé.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie régulièrement ses statistiques des recettes publiques. Celles-ci montrent que, contrairement à ce que prétendent les tenants des politiques néolibérales, l’IS français représente une faible part du produit intérieur brut (PIB). Il représentait en effet 2,5 % du PIB français en 2021, soit presque autant que l’Allemagne (2,4 %), présentée comme très avantageuse, contre 2,6 % en Espagne, 3,5 % en Irlande, 3,8 % aux Pays-Bas ou encore 4 % au Danemark.
Signalons par ailleurs que le taux d’imposition taux effectivement payé par les grandes entreprises est désormais proche de celui payé par les plus petites : en 2019, il s’élevait à 19,9 % pour les PME, 21,3 % pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), et 17,1 % pour les grandes entreprises. Soit un écart de tout de même 2,8 points calculé sur les bénéfices déclarés [1].Si l’écart s’est manifestement réduit au cours des dernières années, il est difficile d’en tirer la conclusion que l’équité fiscale progresse. Car ces taux réels d’imposition ne prennent pas en compte les stratégies d’évitement fiscal.
En effet, s’il est difficile de l’évaluer précisément et d’en tirer une conclusion sur le taux réel d’IS (soit l’IS payé par rapport aux bénéfices réellement réalisés), il est impossible de ne pas mentionner à ce stade les diverses stratégies d’évitement de l’impôt qui, par voie d’optimisation agressive, d’évasion et de fraude fiscales, viennent faire chuter le taux réel de l’IS. Le CEPII estimait ainsi qu’en matière de contournement de l’impôt : « Plusieurs instruments peuvent ainsi être utilisés : manipulation des prix de transfert sur les transactions entre filiales d’un même groupe (échanges de biens ou de services) et la localisation des dettes ou d’actifs générant des revenus (brevets, marques, dette) au sein du groupe génèrent artificiellement des flux internationaux de dividendes entre filiales et maisons-mères, des pays à faible fiscalité vers ceux à fiscalité élevée [2] ». Et selon Gabriel Zucman, 40 % des profits des multinationales réalisés à l’étranger sont logés dans les paradis fiscaux [3].
Annexe : comprendre l’IS
L’IS, c’est combien ?
En 2023, les recettes d’impôt sur les sociétés sont estimées à 61,3 milliards d’euros. En 2024, les recettes d’impôt sur les sociétés s’élèveraient à 72,2 Md€, soit 10,9 milliards d’euros de plus qu’en 2023, en raison principalement du fort dynamisme du bénéfice fiscal en 2023 du principalement aux superprofits. Par comparaison, l’impôt sur le revenu aurait rapporté 90,7 miliards d’euros en 2023. Quant à la TVA, elle, aurait rapporté 208,7 milliards d’euros en 2023.
Qui paie l’IS ?
L’impôt sur les sociétés (IS) concerne les entreprises exploitant en France, c’est-à-dire celles qui réalisent leur activité commerciale habituelle sur le territoire et y ont un établissement stable. Il concerne principalement les bénéfices de certaines sociétés et personnes morales. Il en va par exemple ainsi des sociétés de capitaux comme les sociétés anonymes notamment. Les sociétés passibles de l’IS ne sont imposables que sur les bénéfices qu’elles réalisent sur le territoire.
Quels sont les taux applicables ?
Le taux de l’impôt sur les sociétés est de 25 % à compter des exercices ouverts à partir 1er janvier 2022. Il était de 33,3 % en 2017 puis s’est progressivement abaissé depuis. Il existe cependant des taux spécifiques. Pour les PME (qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros), le taux est ainsi de 15 % jusqu’à 42 500 euros de bénéfices (25 % au-delà).
Par ailleurs, certaines cessions d’éléments d’actif (cession de brevets, de titres de participations de licence d’exploitation, etc) relèvent du régime d’imposition des plus ou moins-values à long terme. Ces opérations sont imposées à des taux spécifiques qui, selon la nature de ces opérations de cession, oscillent entre :
• 0 % pour les plus-values nettes à long terme réalisées sur les cessions de titres de participations, autres que les titres de sociétés à prépondérance immobilière, sont imposées au taux de 0% (sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 %) ;
• 19 % sur les plus-values nettes à long terme réalisées sur certaines opérations immobilières ;
• 15 % les autres plus-values à long terme ;
• 10 % sur certains revenus de la propriété intellectuelle.