Pénalisation de la fraude fiscale
La lutte contre la fraude fiscale est un enjeu de société majeur et l’une des préoccupations centrales de l’association Attac. Pour qu’elle soit efficace, la sanction de la fraude fiscale doit être suffisamment dissuasive et forte. Cette fiche revient sur les dispositifs prévus pour sanctionner la fraude fiscale.
Des sanctions fiscales et pénales
C’est l’article 1741 du Code général des impôts qui définit les sanctions pour fraude fiscale. Il prévoit notamment que la fraude fiscale est « passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à une amende de 3 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ». Les sanctions sont donc proportionnées à la gravité de la fraude. Celle-ci peut en effet être plus ou moins couteuse et complexe, elle peut ou non s’appuyer sur des fausses factures, transiter par des paradis fiscaux ou non, etc.
Notons que si des sanctions pénales (amendes, peines de prison) sont possibles, des sanctions fiscales sont également prévues. Déterminées également en fonction de la gravité de la fraude, elles peuvent être fortes et atteindre 40 %, 80 % voire plus de l’impôt éludé, autrement dit du montant de l’impôt fraudé.
Jusqu’au vote de la loi d’octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, la sanction de la fraude fiscale était principalement financière, au travers de sanctions fiscales, et rarement pénale puisque durant de nombreuses années, environ 1 000 plaintes pour fraude fiscale étaient déposées chaque année. Depuis cette loi, les sanctions fiscales ont été renforcées et la transmission au Parquet est devenue automatique sous certaines conditions.
Pénalisation, « verrou de Bercy », où en est-on ?
L’expression "verrou de Bercy" désigne le dispositif qui encadre la poursuite pénale des auteurs d’infractions financières. Avant la loi du 23 octobre 2018, seule l’administration fiscale avait la possibilité de déposer des plaintes pour fraude fiscale auprès du parquet. La proposition de plainte était validée, ou non, par la Commission des infractions fiscales (CIF), créée par la loi du 29 décembre 1977 « accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière, dans le but de préserver les contribuables ayant contrevenu à leurs obligations fiscales de tout arbitraire de l’administration fiscale ». Suspectée de manque de transparence, cette organisation du traitement pénal de la fraude fiscale a été contestée. Elle a été remaniée en 2018.
Désormais, le dépôt d’une plainte par l’administration fiscale est obligatoire lorsque certains critères sont remplis. Cette transmission automatique au Parquet est déterminée en fonction de critères et de seuils fixés par la loi. Elle est ainsi prévue dès lors :
– que le montant des droits éludés (impôts résultant du contrôle fiscal et mis en recouvrement) est supérieur à 100 000 euros, la somme étant réduite à 50 000 euros pour les contribuables soumis aux obligations de la loi de transparence de la vie politique, comme par exemple les parlementaires ou les membres du Gouvernement.
– et que l’administration a appliqué des majorations de 100% (opposition à contrôle fiscal), de 80% (activité occulte, manœuvres frauduleuses, abus de droit) ou de 40 % (manquement délibéré, défaut de déclaration suite à une mise en demeure..). Dans ce cas, il faut également, qu’au cours des six années civiles précédentes, le contribuable se soit vu appliquer une de ces majorations de 40 %, 80 % ou 100 % ou qu’il ait été poursuivi pour fraude fiscale.
Par suite, c’est le parquet qui décide d’engager des poursuites ou non. Au-delà, la loi a renforcé les moyens de détection et de caractérisation de la fraude avec plusieurs dispositifs. Elle a notamment créé le "service d’enquêtes judiciaires des finances", dirigé par un magistrat et chargé de lutter contre les fraudes fiscales, financières et douanières et notamment les fraudes fiscales dites “complexes”.
Précisons également que d’autres dispositifs ont concerné la lutte contre la fraude fiscale. Depuis fin 2018, la justice peut ainsi proposer aux prévenus accusés de délits de fraude fiscale d’opter pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Enfin, la loi d’octobre 2018 étend également le champ initial de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) à la fraude fiscale, jusque là limité aux infractions de corruption, de trafic d’influence et de blanchiment de fraude fiscale.
Les premiers résultats de ces dispositifs sont les suivants. Le nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire est passé de 956 en 2018 à 1 826 en 2019 et à 1 489 en 2020. Il a donc augmenté depuis la mise en œuvre des dispositions de la loi de 2018 (même si la crise sanitaire a eu un impact certain). Parmi ces dossiers, le nombre de dénonciations obligatoires au Parquet est passé de 965 en 2019 (première année de mise en œuvre du dispositif) à 823 en 2020, tandis que le nombre de plaintes pour fraude fiscale (après avis favorable de la CIF) est passé de 806 en 2018 à 672 en 2019 et à 408 en 2020. On dénombrait 2 CJIP en 2019 et 1 en 2020. Enfin, le nombre de CRPC relatives à la fraude fiscale est passé de 13 en 2019 à 22 en 2020.