Quels impôts pour les milliardaires ? Une étude chiffrée édifiante !
L’imposition réelle des super riches revient en débat. L’Institut des politiques publiques vient en effet de publier une étude intitulée « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » qui analyse, données à l’appui, le taux réel d’imposition des plus riches contribuables français. Le résultat est édifiant, même si Attac avait déjà alerté sur la dégressivité du système fiscal en général et, en particulier, de l’impôt sur le revenu.
L’étude s’appuie sur « des données administratives inédites, reliant les déclarations de revenus des particuliers aux déclarations fiscales des entreprises en France en 2016 » afin de mesurer des revenus « incluant les profits non distribués » (NDR : pas les sociétés aux ménages qui les détiennent) et de calculer les taux effectifs d’imposition des plus riches ménages. Le principal enseignement que tirent les auteurs sont les suivants : « le taux effectif d’imposition, tous impôts directs compris (NDR : IR, prélèvements sociaux et ISF), est progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenus, y compris pour la majorité des 1 % de revenus les plus hauts. Mais au sein des 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches, le taux d’imposition global devient régressif, passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches, à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les « milliardaires ») ». Pire, pour les plus riches des plus riches,, « les taux d’imposition effectifs à l’impôt sur le revenu diminuent en pourcentage du revenu économique global pour atteindre environ 2 % parmi le top 0,001 % ».
Comment ce résultat s’explique-t-il ? En réalité, contrairement à la quasi-totalité des ménages, les revenus des plus riches sont constitués d’une majorité de revenus prenant la forme de bénéfices de sociétés non distribués aux foyers fiscaux qui les contrôlent, ces bénéfices étant imposables à l’impôt sur les sociétés, au taux nominal de 25 % en France.
Prenant les devants face aux inévitables critiques dont leurs travaux feront l’objet, qui estimeront qu’on ne doit pas mélanger des bénéfices non distribués et des revenus personnels, les auteurs définissent la base sur laquelle ils se sont basés, le « revenu économique ». Celui-ci est en effet constitué de l’ensemble des revenus réalisés et contrôlés effectivement par le foyer fiscal, hors variation de la valeur de leur patrimoine et hors plus-value latente (c’est-à-dire non réalisée) même s’ils sont plus importants que les revenus soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR). Sur cette base, ils déterminent que, « pour faire partie des 1 % les plus riches (soit 378 000 foyers fiscaux), il faut avoir au moins 171 000 euros annuel de revenu économique » et que « pour faire partie des 0,01 % les plus riches (3 780 foyers fiscaux), il faut avoir 3 274 000 euros de revenu économique ». En analysant le revenu économique et pas seulement le revenu fiscal personnel, une conclusion s’impose : « il y a donc bien une forte régressivité du taux d’imposition global une fois passé le seuil des 0,1 % les plus riches, avec un taux global passant de 46 % à ce seuil à 26 % parmi les 0,0002 % les plus riches ».
L’étude va plus loin. Compte tenu des mécanismes permettant de réduire les droits de donation notamment (abattements, « pacte Dutreil »…), elle détermine que « le taux d’imposition effectif sur les donations de parts de sociétés se limite à 5,625 %. » Et, pour illustrer concrètement ce que serait une imposition progressive appliquée aux revenus des plus riches, les auteurs concluent que, « pour les 0,0002 % les plus riches, le taux effectif global d’imposition du revenu économique passerait de 26 % à 59 % si le barème des impôts personnels leur était appliqué ».
Cette étude ne vient que confirmer ce qu’Attac dénonce de longue date. Dans un article de l’Observatoire de la justice fiscale du 10 octobre 2021 intitulé « L’imposition des revenus en France : entre principes et réalité », nous montrions que « en 2019, le taux réel (ou effectif) moyen maximum à l’IR* atteignait ainsi 24,9 % pour les foyers fiscaux dont le revenu était situé entre 600.001 et 700.000 euros (en 2018, ce taux était de 26,42 %). Au-delà, contrairement au principe de progressivité qui voudrait qu’il continue de croître, ce taux décroît pour plus de 28.000 foyers fiscaux situés au-delà du point haut en 2019 ». Et, dans une contribution transmise à la mission d’information de la Commission des finances de l’Assemblée nationale consacrée à la fiscalité du patrimoine, nous expliquions comment se formait le revenu économique (établi par l’étude de l’IPP) via la remontée de dividendes dans des holdings familiales, nommées « tirelire défiscalisantes », détenues par les plus riches.
Cette étude porte sur l’année 2016. Elle mériterait donc d’être actualisée en intégrant les conséquences des mesures prises en 2017 (la création du prélèvement forfaitaire unique et la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, combinées aux baisses des impôts des entreprises qui leur permet de distribuer d’importants dividendes). Au vu des bilans dressés par les rapports de France stratégie, on peut penser que la régressivité de l’impôt est désormais encore plus marquée.