La politique fiscale, comment ça marche ?
Pour financer l’action publique, il faut un budget, retraçant notamment les recettes et les dépenses publiques. Le débat budgétaire se déroule de la manière suivante. En début de l’été de l’année N-1, l’article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit qu’« en vue de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques ». Un rapport est publié à l’appui de ce débat. A l’automne N-1 le gouvernement soumet au parlement un projet de loi de finances de l’année N. Celui-ci comporte une première partie qui retrace les recettes et une seconde qui prévoit les dépenses.
Mais au-delà de ce calendrier, il est utile de savoir comment sont « décidés » les impôts et dans quel cadre évolue la politique fiscale. De l’idée à la mise en œuvre en passant par le vote, voici donc expliquée aussi simplement que possible les grands principes et le cadre générale de la mécanique fiscale.
Qui décide des impôts ?
Les citoyens, leurs représentants et les principes fondamentaux
Dans une démocratie, le lien entre le citoyen et la vie en société s’effectue par l’impôt. Par leur vote, les citoyens donnent en effet une orientation politique à la société. Leurs représentants élus au Parlement (aux suffrages, direct pour les députés, indirect pour les sénateurs), autorisent le gouvernement à lever l’impôt et votent le budget. Ils ont également un rôle de contrôle, par l’information budgétaire dont ils disposent et à l’occasion du vote de la loi de règlement qui, en année N+1, retrace l’ensemble des recettes et des dépenses effectives.
Tout cela s’inscrit dans un cadre qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Il en va ainsi en matière de politique fiscale de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui pose les principes fondamentaux qui s’appliquent au système fiscal français :
- Article 13 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. »
- Article 14 : « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »
- Article 15 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
En termes simples, l’article 13 pose deux principes : la nécessité d’une ressource fiscale et de sa juste répartition. Au fond, il définit la justice fiscale. Inséré dans la déclaration et précédant l’article 14 qui porte sur le consentement, il contribue ainsi à l’équilibre général du texte. En définitive, l’article 13 dessine ainsi les contours de la justice fiscale, l’article 14 définit la notion de consentement et l’article 15 fonde le contrôle démocratique. C’est ainsi qu’est située la place de l’impôt dans notre démocratie au sein de laquelle le citoyen joue un rôle central.
Les élus et le gouvernement …
Les responsables politiques, lorsqu’ils sollicitent les suffrages des électeurs, présentent leurs orientations en matière de politiques économiques et sociales au travers de leur programme. Celui-ci se base sur des choix de société qui passe par un certain niveau de recettes publiques et par une certaine structuration de ces recettes. Quel niveau de recettes pour financer les choix collectifs démocratiquement mis en œuvre ? Qui paiera et sur la base de quelles règles ? Tels sont les grands enjeux portant sur les choix démocratiques en matière de budget. Tout cela demeure hélas très théorique. En pratique, les programmes électoraux permettent rarement de se faire une idée précise du niveau de recettes publique par exemple.
Le rôle structurant de « L’Union européenne »
Au sein de l’Union européenne, particulièrement dans la zone euro, les gouvernements des États membres doivent respecter certaines règles. Outre les fameux critères touchant à la dette publique et au déficit public (suspendus avec la crise sanitaire mais en cours de discussion), les États doivent apporter la garantie dans leurs engagements de limiter les déficits publics et la dette publique. En particulier, le « semestre européen » (instauré en 2011) encadre fortement les politiques budgétaires des États. Ce « semestre » s ‘organise de la manière suivante. Après une publication sur les perspectives de croissance accompagnée de recommandations publiée par la Commission européenne, le Conseil européen valide les orientations proposées en matière de politique économique. Les États membres sont chargés de les respecter. Les États membres transmettent ensuite leur programme de stabilité et de réforme à la Commission européenne avant leur mise en œuvre au plan national. Cette phase se déroule au premier semestre de chaque année, de sorte que le projet de loi de finances de l’année N débattu et voté en N-1 intègre ce programme dans les mesures. Ce cadre européen très structurant pour les politiques budgétaires, a un impact sur le niveau et la structure des recettes et des dépenses publiques.
Quels enjeux ?
Le principe d’annualité budgétaire permet d’avoir chaque année un débat budgétaire. Mais la dimension pluriannuelle (qui prévoit les grands axes en matière de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques sur plusieurs années : jusqu’en 2027 pour l’actuelle) prend de plus en plus d’importance dans la politique budgétaire. Au point qu’elle pourrait à l’avenir être déterminante comme la note de l’Observatoire de la justice fiscale du 4 juillet 2022 consacrée à la gouvernance budgétaire l’a montré.
Comment on calcule les impôts ?
De l’assiette au taux
L’assiette de l’impôt peut être définie comme la base, exprimée en montant, sur laquelle l’impôt est calculé. On applique un taux à l’assiette pour calculer le montant exact de l’impôt dû. Il peut s’agir d’un revenu pour un particulier, d’un bénéfice pour une société, de la valeur d’un patrimoine pour l’impôt sur la fortune immobilière ou les droits d’enregistrement (parmi lesquels les droits de succession et de donation ou les droits de mutation à titre onéreux), d’une dépense (avec la TVA par exemple)… Il existe donc plusieurs assiettes sur lesquels se calculent plusieurs impôts, ce qui permet d’appréhender la diversité des situations des agents économiques (particuliers des classes modestes, moyennes et riches, ou petites, moyennes et grandes entreprises). L’assiette sert à déterminer la base d’imposition, soit la somme qui servira à appliquer le taux.
Les taux d’imposition s’appliquent donc à la base. Ils sont pour leur part très « visibles » : ils donnent lieu à de multiples controverses sur la réalité de l’imposition. L’impôt sur le revenu par exemple, est calculé sur la base d’un barème progressif : le taux marginal appliqué la tranche supérieure d’un revenu n’a par exemple rien à voir avec le taux effectif d’imposition (voir l’article de l’Observatoire de la justice fiscale sur ce sujet).
Le système déclaratif
Un système déclaratif est un système dans lequel le contribuable livre de sa propre initiative (à un moment donné fixé par les choix politiques) à l’administration fiscale les éléments servant à établir l’impôt. Les particuliers rédigent ainsi une déclaration annuelle de revenus, les sociétés une déclaration dite de résultats servant à calculer l’impôt sur les sociétés ou encore une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée (dont les entreprises et les sociétés sont collecteurs avant de reverser la TVA à l’État) par exemple.
La contrepartie de ce système déclaratif est le pouvoir de l’administration de contrôler la véracité des éléments déclarés. Il est en effet normal que la collectivité s’assure que les règles sont bien respectées afin d’éviter que certains échappent au paiement de la « contribution commune ». On parle alors de contrôle fiscal. Celui-ci peut prendre diverses formes comme le contrôle sur pièces (mené du bureau sur la base des éléments du dossier et des recoupements d’informations disponibles) et le contrôle sur place (vérification de comptabilité des entreprises par exemple).
Quels enjeux ?
Nous touchons ici à la structure et au poids des différents impôts ainsi qu’à la lutte contre l’évitement de l’impôt. Autrement dit, à la réforme fiscale et à la fraude fiscale, des enjeux bien connus d’Attac et sur lesquels l’association a livré de nombreuses analyses et propositions. L’un des principaux objectifs de l’Observatoire de la justice fiscale est de retracer l’ensemble de ces travaux.