Réformer les droits de succession et de donation, mieux taxer les super héritages, c’est vital !
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a récemment déclaré sur France 2 que l’héritage était « un truc qui tombe du ciel », elle a de nouveau * appelé à davantage taxer les héritages. Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions, pour la plupart empreintes d’idées fausses et trompeuses. Attac s’est exprimée à plusieurs reprises ** sur cette question. Nous y revenons ici en 4 points.
1/ Les vrais libéraux devraient demander un renforcement des droits de donation et de succession
De longue date, certains « vrais libéraux » ont émis le souhait que la transmission de patrimoine soit fortement taxée. Selon eux, on ne doit pas réussir dans la vie grâce à l’héritage, mais par son mérite (pour Warren Buffett : « une personne très riche doit laisser suffisamment à ses enfants pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais pas trop pour qu’ils ne fassent rien ». Pour eux, personne ne doit bénéficier d’une rente et bénéficier de privilèges dans l’accès aux ressources. Au contraire, il faut valoriser le travail, ce que l’héritage ne permet pas, ou du moins, freine, et ainsi mettre fin au privilège de naissance.
► Les partisans d’une baisse des droits de donation et de succession [1] ne peuvent se réclamer du libéralisme au sens historique du terme.
2/ Les défenseurs d’une baisse des droits de donation et de succession, des manipulateurs ?
Les pourfendeurs de la fiscalité du patrimoine font valoir peu d’arguments. Ils parlent d’impôt sur la mort et de la nécessité de transmettre à ses enfants le fruit d’une vie de travail. Ces éléments de langage sont strictement les mêmes que ceux de Georges Bush aux États-Unis dans les années 2000 lorsqu’il voulait supprimer ces impôts qui ne concernaient que les multimillionnaires. Transmettre à ses enfants le « fruit d’une vie de travail » sans droit de succession ? C’est déjà le cas, compte tenu des abattements prévus. Seules 15 % des successions dépassent le cap de 100 000 euros, 62 % portent sur 30 000 euros, 35 % sur moins de 8 000 euros. Près de la moitié des ménages français ne touchent aucun héritage au cours de leur vie et 80 % ne reçoivent aucune donation du vivant de leurs proches ». Et près de 87 % des successions ne donnent lieu à aucun impôt.
► L’argumentaire relève de la manipulation : il s’agit de rendre populaire une proposition particulièrement injuste qui ne concernera pas l’immense majorité de la population, encore plus que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF, transformé en impôt sur la fortune immobilière, IFI).
3/ Les droits de donation et de succession réduisent-ils les inégalités ?
L’INSEE a mesuré que la moitié de la population la plus aisée détient 90 % du total du patrimoine des ménages. En 2021, les 10 % les plus aisés détenaient 47,1 % du patrimoine contre 41,3 % en 2010. En leur sein, les 1 % les plus riches en détiennent 15 %.Cette concentration des richesses s’accompagne d’une montée de la part du patrimoine hérité. Actuellement, 60 % des patrimoines sont hérités, contre 35 % au début des années 1970. La financiarisation de l’économie, les baisses d’impôts au profit des plus riches et des grandes entreprises (lesquelles versent des dividendes à leurs actionnaires, notamment aux « gros actionnaires ») ou encore les dispositifs permettant de réduire les droits de donation et de succession expliquent cette tendance. Nous assistons ainsi à la reconstitution d’une société de rentiers.
► Baisser ou supprimer les droits de donation et de succession, c’est faire exploser les inégalités.
4/ Baisser, voire supprimer, les droits de donation et de succession, une mesure budgétairement pertinente ?
Les droits de donation et de succession ont toujours été plus rentables que l’ISF et, a fortiori, que l’IFI. Ils dégagent un rendement d’environ 20 milliards d’euros.
► Baisser ou supprimer les droits de donation et de succession, c’est accentuer l’austérité sur la population dont l’immense majorité ne paie pas ces impôts.
Conclusion
Pour dégager des recettes utiles à la bifurcation sociale et écologique et réduire les inégalités, les droits de donation et de succession méritent une réforme visant à les rendre véritablement progressifs. Cela passe par un plafonnement du dispositif « Dutreil » (une exonération de 75 % de la valeur des titres d’une société transmis par voie de donation et/ou de succession), une révision des barèmes encore familialisés (les barèmes diffèrent selon les liens de parenté) et l’instauration d’abattements équitables pour exonérer les patrimoines faibles ou de moyenne importance.
* Lire : On reparle de la taxation des super héritages
**Lire : Réhabiliter les droits de succession et de donation